mercredi 19 septembre 2012

Entretien avec Olga Salanueva, épouse de René González: "La solidarité internationale peut pousser Obama à libérer les 5"


"La solidarité internationale
est fondamentale" (photo S.M.)
Cubamania s'est entretenu avec Olga Salanueva lors de sa venue en France. L'occasion de discuter avec l'épouse de René González, un des 5 Cubains injustement condamnés aux États-Unis en 1998 pour avoir voulu empêcher des attentats terroristes contre Cuba.
Depuis octobre 2011, René González est sorti de prison mais subit un régime de liberté surveillée qui l'empêche de retourner dans sa patrie. Il a juste obtenu le droit de se rendre 15 jours à Cuba en mars 2012 pour rendre visite à son frère malade, avant de devoir retourner aux États-Unis. Malgré cela, son statut ne l'empêche pas de défendre la cause de la libération de ces compagnons. Et penser à son avenir à Cuba.

- Cubamania : Vous êtes passée par la Belgique et la Fête de l’Humanité en France pour parler de l'affaire des 5. Quelle place occupe la solidarité internationale dans la bataille pour leur libération ?
- Olga Salanueva: Elle est fondamentale face à la stratégie des États-Unis qui a consisté à isoler les 5 pendant 2 ans après leur arrestation, à les mettre à l’isolement en prison. De plus, une campagne médiatique infâme s’est développée contre eux, ce qui a influencé les jurés au moment du procès. Uniquement des articles en leur défaveur étaient publiés. C’est un véritable mur du silence qui s’est bâti. La solidarité contribue à rompre ce mur. À partir de là, nous avons pu rencontrer des associations de défense des droits de l’homme, comme Amnesty International, des organisations religieuses qui nous ont reconnus et ont dénoncé l’affaire. Plusieurs Prix Nobel ont également signé un appel et des comités de solidarité se sont créés partout dans le monde. J’en profite pour remercier toutes ces personnes qui dédient de leur temps à cette cause. Nous aussi, familles des 5, nous nous démenons. Par exemple, la maman de Fernando est en ce moment en Irlande, Elizabeth l’épouse de Ramón est au Canada et Adriana l’épouse de Gérardo rentre du Pérou.

Olga Salanueva (à gauche) et Adriana Pérez, épouse de Gérardo Hernández,
lors d'une précédente venue en France en 2010 (photo S.M.)

- Cubamania: Comment allier cette solidarité avec la bataille juridique ?
- Olga Salanueva: Les deux se mènent en parallèle. Nous n’oublions pas la bataille légale. Sauf qu’aujourd’hui, nous avons quasiment employé toutes les voies juridiques possibles. Nous avons tout de même déposé un habeas corpus portant sur la non culpabilité des 5. De nouvelles preuves de leur innocence sont apparues. Tout comme le fait que des journalistes ont été payés pendant le procès par le gouvernement américain pour écrire des articles défavorables aux 5.
Le président Obama peut aussi prendre la décision. Il a dans ses prérogatives le pouvoir de signer un acquittement, une amnistie. On imagine mal qu’il puisse le faire volontairement, mais la pression peut contribuer à ce qu’il prenne cette décision.

- Cubamania: René est aujourd’hui en liberté surveillée et interdit de rentrer à Cuba pendant 3 ans. Son statut n’est-il pas paradoxal alors que des organisations d’extrême droite cubano-américaines l’ont plusieurs fois menacé ?
- Olga Salanueva: Son statut fait qu'il a un agent de probation censé lui permettre de se réinsérer dans la société. Mais ça ne peut pas s’appliquer là-bas. Le problème c’est que René a la citoyenneté américaine pour être né aux États-Unis. Mais il vivait à Cuba depuis 1961 ! C’est à Cuba qu’il veut retourner mais on l’en empêche.
Depuis sa sortie de prison, il a été plusieurs fois menacé par des organisations mafieuses cubano-américaines qui ont annoncé vouloir -je cite- lui « modifier sa santé »… On comprend ce que cela veut dire… Il ne peut avoir aucune vie sociale. C’est absurde qu’il reste aux États-Unis. Le gouvernement américain le maintient en liberté surveillée sous prétexte qu’il est un danger pour la société. Mais dans ce cas pourquoi le garder ? Pourquoi ne pas l’envoyer à Cuba ? Il est prêt à rendre sa citoyenneté américaine. Nous avons déposé une motion allant dans ce sens.

- Cubamania: Bien que sorti de prison, René se considère-t-il toujours comme un des 5 ? A-t-il des contacts avec eux ?
- Olga Salanueva: Il ne peut avoir aucun contact avec eux, ni par téléphone, ni par lettre. Mais bien sûr qu’il se considère comme un des 5. Il est triste de les savoir en prison et pense toujours à eux.

-Cubamania: En mars dernier, il a pu venir quelques jours à Cuba pour rendre visite à son frère malade, décédé ensuite en juin. Comment s’est déroulé son retour sur l’île ?
- Olga Salanueva: Le statut de liberté surveillée donne la possibilité de quitter temporairement le territoire américain pour des raisons humanitaires. Il a demandé la permission à une juge qui a accepté. Son séjour à Cuba a été un mélange de sentiments. À la maison, des années de souffrance ont ainsi pu être effacées. Nous avons partagé des moments qui peuvent paraître normaux pour les autres couples mais qui étaient très spéciaux pour nous, des moments de la vie quotidienne : déjeuner, jouer, aller à la plage, marcher dans les rues du quartier…
Malheureusement, les deux semaines sont passées trop vite. C’était de plus en plus difficile au fur et à mesure que le dernier jour approchait. Il a fallu revenir à la réalité, à l’injustice. Quand j’ai vu l’avion décoller, je me suis dit qu’il emmenait un bel homme, épris de justice. Il est retourné aux États-Unis finir sa peine car c’est un homme de parole, les 5 sont des hommes de parole qui respectent la loi. Même si la loi ne s’est pas appliquée pour eux.

 - Cubamania: Comment envisage-t-il son futur, après son retour définitif à Cuba ?
- Olga Salanueva: Il a bien évidemment des plans personnels, familiaux. Il va bientôt devenir grand-père. Nous allons reprendre une nouvelle vie de couple. René veut revenir et se réinsérer dans la société cubaine, participer au développement de son pays et contribuer à toutes les causes justes pour Cuba. Plus que jamais.

Propos recueillis par Sébastien MADAU

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